VIVA : Almodóvar n’a qu’à bien se tenir !

Un très beau drame actuellement au cinéma (mais hélas pas dans toutes les salles !) qui ne traite pas d’un sujet aisé : l’univers des travestis à Cuba. Le film nous plonge dans la vie d’un jeune homme seul, fasciné par l’univers des travestis. Coiffant les perruques utilisées dans un cabaret du centre-ville, il se rêve, chantant sur cette scène extravagante occupée par des personnages hauts en couleurs. Une idée qui déplaît profondément à son père, violent et alcoolique, tout récemment sorti de prison.
Le genre de sujet qu’aurait pu traiter Almodóvar, enfin du temps, ou il avait encore le talent nécessaire… ! On ne peut que s’incliner face à une si belle réalisation…
Mon avis sur VIVA
Un quasi sans faute pour ce drame poignant sur la vie de ce jeune homme seul, blessé par son passé et qui peine à trouver sa place dans cette ville où il n’est qu’un pion. Personne ne peut être indifférent face à cette histoire difficile de quête d’identité. Mention spéciale pour l’acteur principal (Jorge Perugorria) dont l’émotion est palpable.
Un film d’une infinie tendresse qui montre avant tout l’humanité de ces hommes déguisés en femme, et le poids du père et de son regard face à ce monde fantasque et exubérant à souhait. J’ai été immédiatement conquis par la manière de filmer, la caméra est proche des acteurs, les suit de près dans leurs tribulations. Cuba est également mis à l’honneur mais pas dans ses meilleurs aspects (logements insalubres, rues, et troquets louches), mais c’est au final en accord avec la morosité de ce « destin brisé ».
Appréciation globale ★★★★★
- Scénario ★★★★☆
- Jeu d’acteurs, crédibilité ★★★★★
- Ambiance & esthétique visuelle et sonore ★★★★☆
Se travestir, un art qui ne nécessite pas nécessairement d’« artifices »
Ce jeune cubain seul, vit de son métier de coiffeur au jour le jour. Des coupes à domicile, de petits travaux à droite et à gauche ; et bien sûr coiffer les perruques de la troupe de travestis du bar du coin. Un pied à l’étrier qui lui permet d’admirer ces drôles d’oiseaux nocturnes qui chantent et parfois dansent chaque soir.
Loi des paillettes et du glamour, le cabaret ou se déroule le spectacle est plus un bar avec une petite scène intimiste dont les travestis descendent régulièrement et se rapprocher des hommes de la salle. Un regard peu glamour mais assumé sur ce monde-là qui dans la sphère parisienne à l’occasion de faire rêver.
Ici, l’artiste est seul en scène sur un playback de titres en espagnols. Sans artifices donc c’est sa performance, son ressenti, et l’émotion « envoyée » qui fera la différence. Le folklore habituellement mis en avant dans le monde du transformiste est absent : un atout du film qui se veut axer avant tout sur le vécu de ces travestis, ce qu’ils sont, pourquoi ils chantent, ce qu’ils transmettent à travers la musique.
Chanter ou comment « extirper » sa peine
L’histoire du film est bien sûr consacrée à cette histoire de père disparu. Une peine que porte le jeune cubain qui a souffert de cette absence durant toute son enfance. Quand le paternel reparait après un long séjour en prison, il s’impose dans la vie de son fils qui n’a plus de considération pour lui et vit en ermite, seul, depuis des années.
Un gouffre entre ces deux individus qui fait rejaillir toutes les peines de chacun. Une peine exacerbée, qu’il traduit par le chant, et cette apparence féminine qui lui permet d’exprimer ses émotions sans honte, ni gène. Ici on comprend cette nécessité d’exprimer son ressenti à travers son art, encore une fois, très loin des drag-queen et de l’exubérance rattaché au monde des boites des nuits.
Extirper cette peine aux yeux de tous, se mettre à nu en se rapprochant au plus près de ce qui fait finalement sa forcé : cette féminité à fleur de peau qu’il peine à assumer, pourtant est son seul exutoire, et cette vie solitaire d’enfant blessé.
Un vrai coup de cœur pour ce film sans artifices, sans romance édulcorée pour vous emballer ça dans un joli paquet cadeau comme le propose bien souvent les drames américains, un film qui touchera davantage le public LGTB mais tout de même à voir impérativement !